"Phosphene Dream” : Le Voyage Psychédélique Coordonné des Black Angels
Le rock psychédélique est un sous-genre du rock né au milieu des années 1960. Il a émergé principalement en Californie (avec San Francisco comme épicentre) et au Royaume-Uni. Directement inspiré par la culture psychédélique et l'expérimentation de drogues hallucinogènes comme le LSD, le genre avait pour but de traduire en musique les sensations et les altérations de perception qui en résultaient. L'idée maîtresse était de créer un véritable "voyage sonore" pour l'auditeur.
▪︎ Les caractéristiques principales
▪︎ Sons expérimentaux et effets sonores : C'est la marque de fabrique du genre ! Le rock psychédélique utilise intensivement des effets comme la réverbération, le delay (écho), le fuzz (distorsion), le wah-wah et le phasing. Ces traitements sonores créent une ambiance "planante", irréelle et onirique.
▪︎ Structures de chansons non conventionnelles : Contrairement aux structures pop classiques, les morceaux psychédéliques sont souvent plus libres. Ils privilégient les longues instrumentations, les changements de tempo inattendus, les parties improvisées et les boucles répétitives, pour une impression de transe.
▪︎ Influences musicales diverses : Ce genre puise ses racines dans le blues, le folk et le R&B, mais s'enrichit aussi de musiques du monde, notamment indiennes (avec l'utilisation de sitars ou de tablas, popularisée par les Beatles), et d'éléments de musique classique.
▪︎ Thèmes lyriques étranges et oniriques : Les paroles sont souvent abstraites et surréalistes, abordant des thèmes comme les rêves, les visions, l'exploration de l'esprit, la spiritualité, la nature ou des critiques sociales voilées.
▪︎ Instruments variés : En plus des guitares électriques saturées, de la basse et de la batterie, on trouve fréquemment des instruments comme l'orgue (Hammond, Farfisa), le clavecin, des synthétiseurs primitifs ou des instruments ethniques.
▪︎ Quelques groupes emblématiques
- The Beatles (période de "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" et "Revolver")
- Pink Floyd (période de Syd Barrett, notamment l'album "The Piper at the Gates of Dawn")
- Jimi Hendrix Experience
- The Doors
- Jefferson Airplane
- Grateful Dead
- The 13th Floor Elevators (souvent considérés comme les pionniers du genre)
- The Byrds
Le rock psychédélique a laissé une empreinte profonde sur de nombreux genres musicaux, du hard rock au metal, en passant par le prog rock, le shoegaze et le mouvement néo-psychédélique actuel (avec des artistes comme Tame Impala, King Gizzard & The Lizard Wizard ou The Black Angels).
Le titre de l'album "Phosphene Dream" de The Black Angels est incroyablement évocateur et capture parfaitement l'essence même du rock psychédélique. L'album ne se contente pas de porter ce nom, il en incarne le concept du début à la fin.
● Le choix des mots "Phosphene" (phosphène) et "Dream" (rêve) est particulièrement pertinent.
Un phosphène est un flash lumineux ou un motif géométrique coloré que l'on perçoit sans qu'aucune lumière extérieure n'entre dans l'œil. Ces phénomènes sont souvent provoqués par une stimulation de la rétine ou du cortex visuel, que ce soit en se frottant les yeux ou, dans le contexte du psychédélisme, sous l'influence de drogues hallucinogènes. Ces "lumières intérieures" servent de métaphore puissante pour les visions et les distorsions sensorielles vécues.
L'ajout du mot "Dream" (rêve) renforce cette idée d'état de conscience altéré. Il suggère un voyage intérieur où les perceptions visuelles et sonores se mélangent, se déforment et prennent une nouvelle signification. L'inconscient devient alors un territoire à explorer, un monde où la réalité est malléable et où les sens sont exacerbés.
▪︎ Cette notion de phosphène et de rêve se retrouve pleinement dans l'ambiance sonore de l'album :
▪︎ Textures sonores : Les guitares saturées, les réverbérations profondes et les échos créent une sensation de distorsion, comme si le son lui-même était perçu à travers un voile lumineux et flottant.
▪︎ Atmosphères changeantes : Il y a des moments où la musique plane, éthérée et légère, puis d'autres où elle devient plus oppressante et lourde, à l'image des motifs visuels psychédéliques qui peuvent changer d'intensité.
▪︎ Immersion totale : L'album est conçu pour l'immersion. Il invite l'auditeur à se laisser porter, à fermer les yeux pour "voir" la musique, comme on "voit" des phosphènes dans le noir.
Finalement, le titre "Phosphene Dream" est un choix brillant pour un album de rock psychédélique, car il ne se contente pas de nommer l'œuvre, il en incarne le concept même.
"Phosphene Dream" des Black Angels n'est pas un simple album de rock psychédélique : c'est une véritable expérience sensorielle qui submerge l'auditeur. Dès les premières notes de "Bad Vibrations" jusqu'au dernier écho de "The Sniper", l'album construit une atmosphère qui invite à un voyage intérieur intense.
● Chaque élément musical est pensé pour créer une immersion totale :
Le rythme et les basses posent une fondation lourde et lancinante, agissant comme le battement d'un cœur altéré. Ce sont les fondations du "rêve", une force d'attraction à laquelle on ne peut échapper.
Les guitares, saturées de fuzz, de réverbération et de tremolo, ne se contentent pas d'accompagner la mélodie. Elles créent des textures sonores qui scintillent, vibrent et ondulent, rappelant visuellement les phosphènes. Elles peignent des paysages sonores, parfois lumineux, parfois sombres et distordus.
La voix spectrale d'Alex Maas, souvent noyée dans la réverbération, agit comme celle d'un guide chuchotant à travers un rêve. Ses paroles, bien que parfois cryptiques, renforcent cette sensation d'exploration d'un monde intérieur et inconnu.
La structure des morceaux, bien que plus concise que sur leurs albums précédents, conserve un caractère hypnotisant et répétitif qui invite à se perdre dans le son.
Chaque morceau de l'album semble être une facette d'un même voyage. On y trouve des moments de clarté brumeuse et des descentes dans les recoins les plus sombres de l'esprit. L'album est d'ailleurs conçu pour être écouté d'une traite, permettant à l'auditeur de se laisser complètement submerger par son ambiance.
C'est cette capacité à créer un univers cohérent et enveloppant qui fait de "Phosphene Dream" un album si réussi. Il ne se contente pas d'utiliser les codes du genre, il les incarne pour offrir une véritable plongée dans l'essence même du psychédélisme.
Austin, au Texas, est sans conteste l'une des capitales mondiales du rock psychédélique, tant par son histoire riche que par son influence contemporaine. La ville n'est pas seulement un lieu de naissance pour des groupes emblématiques ; elle est un véritable écosystème où un héritage historique, une culture d'indépendance et une scène vibrante se sont conjugués pour en faire un point focal du genre.
● Les fondations historiques
▪︎ L'héritage des pionniers : Austin a été le berceau de groupes fondamentaux dès les années 60, à commencer par The 13th Floor Elevators. Mené par le charismatique Roky Erickson, ce groupe est souvent crédité comme le premier à avoir utilisé le terme "psychédélique" pour décrire sa musique. Leur son brut, saturé de fuzz et hypnotique a posé les bases de ce que l'on appelle aujourd'hui le "Texas Psych".
▪︎ Une culture contre-culturelle forte : Dès les années 60 et 70, Austin est devenue un refuge pour les artistes et la contre-culture. L'université du Texas a attiré une population ouverte à l'expérimentation, créant un environnement fertile pour l'émergence de scènes musicales alternatives, loin des pressions commerciales des grands centres comme Los Angeles ou New York. Cet esprit d'indépendance a permis à la ville de développer un son plus authentique et expérimental.
● Le maintien de la tradition
▪︎ Le festival Levitation : les Black Angels ont cofondé le festival Levitation (anciennement Austin Psych Fest) en 2008. Cet événement est devenu un rendez-vous incontournable pour les amateurs de psychédélisme du monde entier, attirant aussi bien des légendes que de nouveaux talents. Ce festival a joué un rôle majeur pour maintenir Austin au centre de la carte psychédélique mondiale.
▪︎ Une scène contemporaine foisonnante : Encore aujourd'hui, Austin est une ville où foisonnent les groupes qui perpétuent et réinventent le genre. Au-delà des Black Angels, des formations comme Holy Wave et Night Beats continuent de faire vivre cet héritage. Les nombreux clubs et salles de concert de la ville offrent en permanence une plateforme vitale à ces artistes.
En somme, Austin n'est pas seulement un lieu sur une carte ; c'est un carrefour où le passé rencontre le présent, faisant de la ville la capitale incontestée du psychédélisme.
La co-création du festival Levitation (anciennement l'Austin Psych Fest) par les Black Angels est bien plus qu'une simple anecdote : c'est la preuve qu'ils ne sont pas de simples musiciens, mais de véritables gardiens et acteurs de la tradition psychédélique d'Austin. En lançant ce festival, ils ont démontré un engagement qui va bien au-delà de leur propre musique.
● En créant Levitation, les Black Angels ont agi sur plusieurs fronts :
▪︎ Ils ont consolidé la scène : Le festival est devenu une plateforme majeure pour les groupes établis et émergents du genre, attirant des fans du monde entier et renforçant la position d'Austin comme épicentre du psychédélisme.
▪︎ Ils ont honoré l'héritage : En invitant des légendes du genre aux côtés de nouvelles formations, ils ont assuré une transmission entre les générations et rappelé les racines profondes du mouvement.
▪︎ Ils ont forgé une communauté : Levitation est devenu un rendez-vous annuel qui rassemble musiciens et passionnés autour d'une même vision et d'un amour partagé pour la musique expérimentale et immersive.
▪︎ Ils ont prouvé leur légitimité : Cette initiative a définitivement inscrit les Black Angels non seulement comme des musiciens de talent, mais aussi comme des figures de proue respectées de la culture psychédélique contemporaine.
Cette démarche va bien au-delà de la création musicale. Elle montre une compréhension profonde et un respect pour le genre, prouvant que les Black Angels n'ont pas seulement tiré leur inspiration du passé, mais qu'ils ont activement contribué à forger son présent et son avenir.
The Black Angels sont un groupe de rock psychédélique formé en 2004 à Austin, au Texas. Leur nom est un hommage direct à la chanson "The Black Angel's Death Song" du Velvet Underground, un choix qui annonce d'emblée leur penchant pour les sonorités sombres et texturées.
Dès leurs débuts, le noyau dur du groupe est composé de Alex Maas (chant, basse, orgue), Christian Bland (guitare, chant), Nate Ryan (guitare, basse) et Stephanie Bailey (batterie). Leur son est immédiatement ancré dans le rock psychédélique des années 60, avec desinfluences claires de groupes comme The 13th Floor Elevators, The Velvet Underground, The Doors et la période psychédélique de Pink Floyd.
Ils se distinguent de la scène néo-psychédélique de l'époque par une approche plus lourde et plus abrasive, privilégiant les drones, les réverbérations profondes et les distorsions fuzz pour créer une atmosphère hypnotique et souvent menaçante.
La scène musicale d'Austin, avec son héritage psychédélique, offre un terreau fertile au groupe. Les Black Angels se construisent rapidement une solide réputation grâce à des performances live intenses et immersives.
● 2006 : "Passover" - La révélation
Leur premier album, "Passover", sorti en 2006, est une véritable révélation. Salué par la critique pour son atmosphère sombre et hypnotique, l'album devient rapidement un manifeste de leur son, caractérisé par des basses vrombissantes et une batterie tribale. Des titres comme "Young Men Dead" et "The First Vietnamese War" deviennent des classiques instantanés et positionnent le groupe comme des leaders du renouveau psychédélique.
● 2008 : "Directions to See a Ghost" - L'expansion sonore
Deux ans plus tard, les Black Angels reviennent avec "Directions to See a Ghost". L'album prolonge l'exploration de leurs thèmes sombres tout en étoffant leur son. Les morceaux sont plus longs et ambitieux, avec des improvisations et des explorations sonores plus étendues.
L'album consolide leur réputation et leur permet de s'établir comme une force majeure sur la scène internationale. C'est à cette période qu'ils fondent le festival Levitation (anciennement Austin Psych Fest), un rendez-vous incontournable pour les amateurs de musique psychédélique.
● 2010 : "Phosphene Dream" - Le tournant et la confirmation
"Phosphene Dream" marque un tournant significatif pour le groupe. Produit par le célèbre Dave Sardy (Oasis, Band of Horses), le son est plus précis et léché, une évolution qui a pu surprendre les fans des productions brutes des débuts.
Tout en restant profondément psychédélique, l'album intègre des structures de chansons plus classiques et des mélodies plus accrocheuses, le rendant plus accessible sans diluer son essence. Le titre lui-même, "Phosphene Dream", est une parfaite métaphore des visions intérieures que le groupe continue d'explorer.
L'album est un succès critique et commercial qui confirme la place des Black Angels comme des architectes majeurs du rock psychédélique contemporain, leur permettant d'élargir leur audience tout en consolidant leur base de fans fidèles.
Les Black Angels ne se contentent pas de jouer du rock psychédélique ; ils puisent directement dans les racines du genre pour en réinventer le son. Dans l'album "Phosphene Dream", leurs influences sont non seulement palpables, mais elles sont aussi assumées et intelligemment intégrées, faisant la richesse et la singularité de leur musique. Les groupes comme Pink Floyd (période Syd Barrett), The Doors et The 13th Floor Elevators sont en effet les piliers de leur son.
● The 13th Floor Elevators : le psychédélisme garage
L'influence des 13th Floor Elevators est la plus directe et la plus souvent citée. Les Black Angels ont même nommé leur label "The Reverberation Appreciation Society" en référence explicite à l'ambiance sonore du groupe de Roky Erickson.
▪︎ Un son brut et distordu : On retrouve cette énergie garage combinée à des effets psychédéliques. Les guitares saturées au fuzz, les réverbérations omniprésentes et le côté lancinant et répétitif sont des échos évidents. Les morceaux "The Sniper" ou "Telephone" sur "Phosphene Dream" illustrent parfaitement cette agressivité psychédélique.
▪︎ Rythme hypnotique : Bien que les Black Angels n'utilisent pas le "jug électrique" des Elevators, leur ligne de basse et le rythme général rappellent cette pulsation hypnotique et déroutante.
▪︎ Thèmes mystiques : L'exploration des états modifiés de conscience et une certaine noirceur mystique sont des thèmes récurrents que les deux groupes partagent.
● Pink Floyd (période Syd Barrett) : l'expérimentation onirique
Des premiers Pink Floyd, les Black Angels ont hérité d'un sens aigu de l'expérimentation sonore et de la création d'ambiances.
▪︎ Paysages sonores : À l'image de l'album "The Piper at the Gates of Dawn", les Black Angels excellent à bâtir des paysages sonores éthérés et parfois inquiétants. Des morceaux comme "Entrance Song" ou la chanson-titre "Phosphene Dream", avec ses nappes de guitare planantes, sont de parfaits exemples.
▪︎ Utilisation des effets : Tout comme Syd Barrett, qui était un maître des effets de guitare, les Black Angels perpétuent cette tradition avec un usage créatif du fuzz, du delay et du phasing pour sculpter leur son.
▪︎ Mélancolie : Une mélancolie contemplative traverse leurs compositions, faisant écho à l'univers du premier Pink Floyd.
● The Doors : l'incantation mystique
L'influence des Doors est moins directe mais tout aussi essentielle pour l'ambiance générale.
▪︎ Orgue et ambiance sombre : L'utilisation de l'orgue, bien que plus subtile que chez The Doors, ajoute une texture sombre et mystique à certains morceaux.
▪︎ Hypnose et transe : Les deux groupes sont passés maîtres dans l'art de créer des grooves hypnotiques qui s'étirent et plongent l'auditeur dans une transe.
▪︎ Voix envoûtante : La voix profonde d'Alex Maas, souvent monocorde, peut rappeler la diction de Jim Morrison. Elle donne une qualité incantatoire et prophétique à des chansons comme "Sunday Evening" ou "Yellow Elevator #2".
▪︎ Paroles ésotériques : Les paroles des Black Angels, souvent poétiques et obscures, s'inscrivent dans la même veine existentielle et mystérieuse que celles des Doors.
Ce qui est remarquable avec les Black Angels, c'est qu'ils ne se contentent pas de copier. Ils digèrent ces influences, les filtrent à travers leur propre lentille texane et les modernisent avec une touche plus lourde et plus directe. Ils réussissent ainsi à être à la fois familiers et rafraîchissants, respectant l'esprit du psychédélisme tout en le propulsant dans le 21e siècle.
L'enregistrement de l'album "Phosphene Dream" marque un chapitre significatif dans l'évolution du son des Black Angels. Cette étape est principalement due à la collaboration décisive avec le producteur Dave Sardy, un choix qui a eu un impact notable sur l'identité de l'album.
● Contrairement à leurs deux premiers albums au son brut et lo-fi, "Phosphene Dream" a bénéficié de l'expertise d'un producteur externe de renom.
▪︎ Le choix du producteur : Connu pour son travail avec des artistes majeurs comme Oasis, Wolfmother et LCD Soundsystem, Dave Sardy est réputé pour sa capacité à créer des sons puissants et précis. Son arrivée a signalé la volonté du groupe d'affiner sa production. Le chanteur Alex Maas a d'ailleurs expliqué vouloir "pousser leur son vers quelque chose de plus juteux".
▪︎ Une approche plus concentrée : L'une des principales différences de ce processus d'enregistrement est la volonté délibérée de condenser et d'optimiser les chansons. Après les jams étendus de leur album précédent, les Black Angels ont consciemment cherché à "trouver la chanson dans la chanson", transformant des idées qui auraient pu s'étirer sur 18 minutes en morceaux de trois minutes.
● La collaboration avec Sardy a eu des conséquences directes sur le son de "Phosphene Dream" :
▪︎ Clarté et puissance : Le son de l'album est plus clair et percutant. Les guitares fuzz sont toujours présentes, mais elles sont mieux définies dans le mix. La batterie a plus d'impact et la basse est plus présente, créant un "mur du son" plus contrôlé.
▪︎ Amélioration de la dynamique : Sardy, maître de la dynamique, a apporté des nuances de volume et d'intensité qui étaient moins évidentes sur les albums précédents.
▪︎ Équilibre entre le brut et le poli : Le défi était de maintenir l'aspect "sale" et réverbéré qui fait l'identité du groupe, tout en apportant une production de haute qualité. Le résultat est un équilibre subtil, où l'expérimentation et les effets restent au premier plan, mais avec une finition plus professionnelle.
L'enregistrement de "Phosphene Dream" fut un pas délibéré vers un son plus raffiné et concis pour les Black Angels, sans jamais compromettre leur signature psychédélique. La présence de Dave Sardy a été un catalyseur essentiel de cette évolution.
Avec "Phosphene Dream", les Black Angels ont réussi un pari difficile : rester fidèles à leur essence psychédélique tout en apportant une clarté et une précision accrues à leur "message" sonore. C'est là que réside la force de l'album et la pertinence de la collaboration avec le producteur Dave Sardy.
● Le groupe n'a jamais renié ses racines profondes :
- Le fuzz et la réverbération sont toujours omniprésents, créant ce mur du son hypnotique qui est leur signature.
- Les thèmes mystiques et oniriques demeurent au cœur de leurs paroles, invitant au voyage intérieur.
- L'atmosphère sombre et envoûtante continue de caractériser leur musique, maintenant cette sensation de transe et d'immersion.
- Cependant, la production de Sardy a permis de "nettoyer" le son sans le stériliser. Les instruments sont mieux définis, la voix d'Alex Maas ressort avec plus de présence, et les structures des chansons, bien que toujours psychédéliques, sont plus focalisées.
● Cette nouvelle clarté sonore se manifeste de plusieurs manières :
▪︎ Un impact direct : Les riffs sont plus immédiats, les rythmes plus incisifs. L'énergie psychédélique frappe l'auditeur de manière plus forte et directe.
▪︎ Une accessibilité accrue : Sans pour autant devenir un album "pop", "Phosphene Dream" est indéniablement plus accessible que des œuvres plus longues et improvisées comme "Directions to See a Ghost". Cela permet à un public plus large de s'immerger dans leur univers sans se sentir perdu.
▪︎ Un signe de maturité artistique : L'album est la preuve d'un groupe qui grandit. Les Black Angels ont appris à sculpter leurs morceaux, à épurer sans perdre de substance et à communiquer leur vision avec une plus grande efficacité.
En somme, "Phosphene Dream" est la preuve qu'on peut évoluer, affiner sa production et rendre son art plus intelligible tout en demeurant profondément ancré dans son identité stylistique. Les Black Angels ont démontré que la clarté pouvait coexister avec le psychédélisme le plus pur.
Comme pour la plupart des œuvres des Black Angels, les paroles et l'ambiance sonore de l'album "Phosphene Dream" sont intrinsèquement liées pour aborder des sujets profonds et souvent sombres. L'album explore l'esprit humain à travers une lentille psychédélique, créant une œuvre à la fois contemplative et immersive :
1. L'altération de la perception et les états modifiés de conscience
C'est le thème central de l'album, incarné par son titre même. Les paroles font constamment référence aux visions, aux rêves, aux illusions et à une réalité distordue. Il s'agit d'explorer ce qui se passe lorsque les sens sont bouleversés, que ce soit par des drogues, le manque de sommeil ou des expériences mystiques.
- Exemples : "Phosphene Dream", "Bad Vibrations" ou "Yellow Elevator #2" qui évoquent un voyage vers un autre niveau de conscience.
2. L'obscurité, la mort et la transcendance
Les Black Angels ont toujours eu une affinité pour les thèmes macabres et la mélancolie. La mort n'est pas toujours abordée de manière littérale, mais plutôt comme une transition ou une fin qui mène à une autre forme d'existence. L'album explore l'ombre et les aspects cachés de l'esprit humain, un thème soutenu par l'ambiance lourde et menaçante de l'ensemble.
- Exemple : L'atmosphère générale angoissante de l'album, notamment sur des titres comme "Bad Vibrations".
3. La dénonciation sociale et politique
Bien que plus subtile que sur d'autres albums, une veine de critique sociale et de désillusion parcourt "Phosphene Dream". Le psychédélisme du groupe n'est pas uniquement "peace & love" ; il a une facette plus sombre et parfois paranoïaque qui reflète une anxiété face au monde.
- Exemples : "The Sniper", avec sa connotation de danger et de surveillance, ou "Yellow Elevator #2", qui peuvent sous-entendre une critique des systèmes en place.
4. L'introspection et la quête de soi
Derrière les visions et les distorsions, on retrouve une quête de sens et une exploration de sa propre conscience. Le voyage psychédélique est ici une invitation à l'introspection. Les paroles, souvent elliptiques, poussent l'auditeur à sa propre interprétation.
"Phosphene Dream" utilise la structure musicale elle-même pour renforcer ses thèmes. Le caractère répétitif et hypnotique des morceaux soutient l'idée de cycles, de transe et d'immersion profonde, aidant à transporter l'auditeur dans cet état mental où les thèmes lyriques peuvent prendre tout leur sens.
L'accueil critique de l'album "Phosphene Dream" a été globalement très positif, même si le disque a suscité quelques interrogations, principalement chez les fans puristes qui attendaient une simple continuité de leurs deux premiers albums.
La majorité des critiques a salué l'effort du groupe pour faire évoluer son son. Le travail de Dave Sardy à la production a été particulièrement mis en avant.
▪︎ Clarté et accessibilité : De nombreux critiques ont noté que l'album sonnait plus "propre" et plus "précis" que "Passover" et "Directions to See a Ghost". Cette clarté a été perçue comme une force, permettant aux mélodies et aux structures des chansons de mieux ressortir.
▪︎ Un équilibre réussi : La capacité de l'album à intégrer des éléments de rock garage plus direct, des hooks plus prononcés et des durées de morceaux plus courtes, tout en restant fidèlement psychédélique, a été très appréciée. L'album est souvent considéré comme un équilibre réussi entre l'expérimentation et l'immédiateté.
▪︎ Preuve de maturité : "Phosphene Dream" a été vu comme une preuve de la maturité artistique du groupe, capable d'innover et d'explorer de nouvelles facettes de son identité sans se répéter.
Les critiques ont par ailleurs continué de souligner l'ancrage du groupe dans l'héritage du rock psychédélique des années 60. Cependant, la plupart se sont accordées à dire que les Black Angels réussissaient à filtrer ces influences pour créer un son à la fois pertinent et contemporain, plutôt que de simplement les imiter.
● Malgré cet accueil élogieux, quelques points de discussion ont émergé, principalement chez,une minorité de critiques et de fans :
▪︎ Perte de "brutalité" : Certains ont regretté une légère perte de la brutalité ou du côté lo-fi des œuvres précédentes, estimant que la production plus polie enlevait une part de leur son originel.
▪︎ "Trop accessible" ? : Les morceaux plus mélodiques et accrocheurs comme "Telephone" ont pu déconcerter certains, qui y ont vu un virage trop "pop" ou une dilution de l'approche plus expérimentale du groupe.
"Phosphene Dream" a été perçu comme un succès artistique majeur et une étape cruciale pour les Black Angels. L'album a consolidé leur réputation de fer de lance du renouveau psychédélique et leur a permis de toucher un public plus large sans compromettre leur intégrité artistique.
L'accueil de "Phosphene Dream" par les fans a été, comme souvent pour les albums qui marquent un tournant, un mélange de passion et de débats. Cependant, la majorité des auditeurs a semblé apprécier la nouvelle direction prise par le groupe.
● Un enthousiasme majoritaire
▪︎ Une production appréciée : De nombreux fans de longue date, déjà conquis par "Passover" et "Directions to See a Ghost", ont salué la production plus "propre" de Dave Sardy. Pour eux, cette clarté a mis en lumière les mélodies et les structures des chansons, rendant l'album plus accessible sans pour autant perdre l'âme du groupe. Certains ont même trouvé que cette précision amplifiait l'impact des morceaux.
▪︎ Une porte d'entrée pour les nouveaux auditeurs : La production plus soignée et le format plus concis de "Phosphene Dream" ont probablement attiré un nouveau public qui n'aurait peut-être pas été immédiatement séduit par les jams étendues des albums précédents. Pour ces nouveaux fans, l'album est souvent devenu la porte d'entrée idéale vers l'univers des Black Angels.
● Comme souvent lorsqu'un groupe évolue, une partie des fans, souvent les "puristes" des débuts, a exprimé un certain regret :
▪︎ Manque de "brutalité" : Ils ont pu trouver que l'album manquait du côté lo-fi, de la brutalité ou de l'expérimentation "sauvage" qui caractérisaient leurs premières œuvres. Pour eux, la production plus polie et les formats plus courts ont pu sembler être un compromis ou une "dilution" du son qui les avait initialement conquis.
▪︎ Moins d'improvisation : Ceux qui aimaient les longues improvisations et les ambiances étendues des albums précédents ont pu être déçus par la concision des morceaux sur "Phosphene Dream".
● Malgré ces débats, plusieurs titres de "Phosphene Dream" sont rapidement devenus des favoris incontournables des concerts :
▪︎ "Bad Vibrations" est souvent cité comme une ouverture parfaite qui encapsule le son du groupe avec une énergie renouvelée.
▪︎ "Entrance Song" est apprécié pour son côté planant et hypnotique.
▪︎ "The Sniper" est mis en avant pour son énergie garage et son fuzz direct.
L'accueil des fans a été majoritairement positif. Si une minorité a pu regretter l'aspect le plus brut de leurs débuts, la plupart a salué la capacité des Black Angels à mûrir leur son. L'album a indéniablement renforcé leur base de fans et en a attiré de nouveaux, consolidant ainsi leur statut de leader du rock psychédélique moderne.
Malgré le fait que "Phosphene Dream" soit sorti il y a près de 15 ans et que les Black Angels s'inspirent d'un genre né dans les années 60, leur musique et cet album en particulier n'ont pas pris une ride. Le groupe a réussi à créer un son qui transcende les époques.
● Une pertinence durable
▪︎ Une musique ancrée, mais non datée : Les Black Angels ont toujours su puiser dans le passé sans sonner comme une simple copie. Avec sa production affinée, "Phosphene Dream" a prouvé qu'il est possible de rendre le psychédélisme pertinent et moderne sans le dénaturer. Leurs riffs lourds, leurs ambiances planantes et la voix envoûtante d'Alex Maas créent un son intemporel qui continue de captiver l'auditeur.
▪︎ Une réponse à une demande d'immersion : Dans un monde de plus en plus fragmenté, l'appel à une musique qui propose une véritable immersion et une expérience sensorielle est plus fort que jamais. Le rock psychédélique, et les Black Angels en sont un excellent exemple, offre précisément cela : une échappée, un voyage auditif qui contraste avec la rapidité et la superficialité de la musique actuelle.
▪︎ Un catalyseur pour la scène actuelle : Grâce à des albums comme "Phosphene Dream" et à leur rôle dans des initiatives telles que le festival Levitation, les Black Angels n'ont pas seulement maintenu la flamme du psychédélisme ; ils ont aussi inspiré une nouvelle génération de groupes. Ils sont une preuve vivante que l'expérimentation et l'authenticité ont toujours leur place dans le paysage musical.
En fin de compte, "Phosphene Dream" n'est pas qu'un simple album de rock psychédélique. C'est un témoignage de la capacité des Black Angels à évoluer tout en restant fidèles à une vision artistique forte, créant ainsi une œuvre qui continue de résonner et d'attirer des auditeurs, hier comme aujourd'hui.
Malgré la production affinée et le format plus concis qui le distinguent des albums précédents, "Phosphene Dream" n'est pas un album "facile d'accès" au sens grand public. Il exige un certain abandon de la part de l'auditeur, une volonté de se laisser porter par l'ambiance plutôt que de chercher une mélodie immédiate. C'est un album qui se mérite, ce qui fait sa force et sa longévité auprès de ses fans.
● Voici pourquoi il n'est pas immédiatement accessible :
▪︎ Une atmosphère immersive et sombre : Dès les premières secondes, l'album plonge l'auditeur dans une ambiance lourde, sombre et profondément réverbérée. Ce n'est pas dela musique de fond légère, et cette atmosphère peut être déconcertante pour quelqu'un qui n'est pas familier avec ce type de son.
▪︎ Une monotonie hypnotique volontaire : Le rock psychédélique des Black Angels repose sur la répétition et la création d'une transe. Pour l'auditeur non averti, cela peut être perçu comme de la monotonie plutôt que de l'hypnose, rendant l'écoute moins immédiate et nécessitant un effort pour s'y plonger pleinement.
▪︎ Des voix et des paroles obscures : La voix d'Alex Maas est souvent noyée dans le mix et les paroles sont abstraites et mystiques. Cela contraste fortement avec la musique plus conventionnelle où les voix sont claires et les paroles narratives. L'auditeur ne peut pas s'accrocher à un refrain facile ou à une histoire simple.
▪︎ Des structures répétitives : Même si les morceaux de "Phosphene Dream" sont plus courts que ceux de "Directions to See a Ghost", ils utilisent toujours des structures non conventionnelles. Les chansons peuvent s'étirer sur des motifs répétés, invitant à une écoute méditative plutôt qu'une écoute axée sur le "tube".
▪︎ Un genre de niche : Le rock psychédélique, même dans sa forme la plus accessible, reste un genre de niche. Phosphene Dream en est une incarnation pure et dure, ce qui limite naturellement son accessibilité immédiate à un public habitué aux formats radio.
En somme, l'album n'est pas fait pour plaire à tout le monde au premier coup d'oreille, mais pour ceux qui s'y abandonnent, il offre une récompense profonde.
● Un grand merci à Florianne et Gemini, grâce à qui j'ai pu plonger si profondément dans les rêves phosphènes des Black Angels que j'ai presque oublié où j'avais garé ma voiture psychédélique !

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